Le président Denis Sassou Nguesso l’avait annoncé : 2017 devait être « l’année de la rigueur et de la vérité », le FMI revenant sur le devant de la scène.
La situation économique et financière est en effet très mauvaise. La chute des cours du pétrole depuis juin 2014 (le pétrole représente 40 % du PIB en 2016, contre 58 % auparavant ; 38 % des recettes budgétaires en 2016 contre 75 % auparavant…) et la réduction des dépenses publiques ont aggravé la récession. Le FMI s’attend à une croissance négative de -3,6 % en 2017 avant un redressement majeur en 2018, à +2,8 %. La chute du PIB est encore plus impressionnante si l’on exclut le pétrole : il a régressé de -2,1 % en 2016, de -7 % en 2017 et encore de -3,4 % en 2018. Le pays est en désinflation, à -0,4 % prévue en 2017 et -1,1 % en 2018.
Une dette de 110 % du PIB
Les arriérés de paiement extérieurs et intérieurs s’accumulent tandis que le FMI a dû batailler avec l’État pour qu’il communique tous les chiffres.
Après une mission en mars, le Fonds a annoncé en août 2017 que Brazzaville lui avait caché une partie de sa dette publique, obtenant enfin les chiffres lors d’une nouvelle mission fin septembre. Des éléments complémentaires notamment, selon la presse, sur des contrats de prêts de l’État avec Glencore, Trafigura, United Bank of Africa, Afreximbank, la Turquie, la Chine, sans oublier la fameuse société de BTP Commisimpex de l’homme d’affaires anglo-libanais Mohsen Hojeij.
En définitive, à fin juillet 2017, l’endettement public contracté et/ou garanti par l’État ne représentait pas 77 % de son PIB mais 110 %, à 5 329 milliards F CFA (Mds F CFA), soit 8,1 milliards d’euros (Mds EUR) et ce, hormis les dettes litigieuses et les arriérés intérieurs accumulés depuis 2014. Sur cette somme, 2 200 Mds F CFA seraient dus aux partenaires bilatéraux, dont 1 400 Mds à la Chine…
Selon certains observateurs, cette révision à la hausse résulterait, entre autres, de la prise en compte par le FMI des 1,25 Md dus à l’entreprise de BTP Commisimpex sur deux décennies, soit 16 % du PIB congolais. En juin, la justice américaine lui avait donné raison, gelant un versement de l’État congolais de 21 M USD dans le cadre de son eurobond de 363 M USD arrivant à maturité en 2029, déclenchant ainsi un défaut de paiement du Congo et la révision à la baisse des notations des agences S&P, Fitch et autres. Fin août, ce gel a toutefois été levé, les agences de rating relevant alors leurs notes. En octobre, Commisimpex a porté, devant les juridictions françaises cette fois, une requête faisant valoir la garantie contractuelle accordée par le Congo sur ses revenus pétroliers. En d’autres termes, les entreprises pétrolières paieraient directement à Commisimpex les taxes et redevances dues à l’État congolais. Une affaire à suivre avec attention…
Courant octobre, le FMI a déclaré avoir pu « accéder à l’essentiel des informations demandées » et, par conséquent, travailler à « la mise en place d’un programme ».
Un rebond pétrolier ?
La production pétrolière du pays a augmenté légèrement, de 232 000 barils/jour (b/j) b/j en moyenne en 2016 à 267 000 b/j en 2017, avec pour objectif un pic de 350 000 b/j en 2018. À la clef, la mise en exploitation en mars du gisement Moho-Nord/phase 2 (10 Mds USD d’investissement) par Total (53,5 % des parts), Chevron Overseas (31,5 %) et la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC, 15 %).
À 75 km au large de Pointe-Noire, Moho/Nord devrait fournir 22 % du brut congolais.
Plus modestement, le Chinois Wing Wah Petrochemical ambitionne de produire 20 000 b/j fin 2018 et 40 000 b/j d’ici 4 à 5 ans sur son gisement onshore de Banga Kayo.
À noter que, suite au nouveau code pétrolier de 2016 imposant une participation d’au moins 15 % d’entreprises locales, de nouveaux acteurs sont arrivés : Petro-Congo, Ifourte, Kontinent-Congo…
Quant à l’aval, la seule raffinerie du pays qui, en temps normal, parvient à peine à satisfaire 30 % de la demande locale (capacité 800 t/j), est tombée en panne en avril. Des entreprises chinoises envisageraient d’investir dans le raffinage dans la zone économique spéciale de Pointe-Noire.
Coup d’accélérateur sur la potasse de Kola
Dans le secteur minier, l’exploitation des mines de potasse dans le Kouilou par Sintoukola Potash, filiale congolaise de l’Australien Kore Potash (anciennement Elemental Minerals), monte en puissance.
Un premier permis d’exploitation du gisement de Kola (ressources de 573 millions de tonnes / Mt ; base de production 2 Mt/an) avait été accordé en 2013 à Kore. En février 2017, ce dernier a demandé une étude de faisabilité définitive sur 14 mois au consortium français composé de Technip FMC, Vinci Construction Grands Projets, Egis et Louis Dreyfus Armateurs. Une première production est prévue en 2021 avec une vitesse de croisière prévue en 2022. Kola serait une
des mines de potasse aux coûts d’exploitation les plus bas du monde.
Deuxième projet de Kore, à 15 km de Kola, Dougou (ressources de 1,1 Mdt) et Dougou Extension pour lequel le gouvernement a accordé, en mars, un permis d’exploitation.
À 600 mètres de profondeur, d’un investissement de 4 Mds USD sur 20 ans, ses ressources estimées sont de 10,7 Mds t, avec une production annuelle envisagée de 5 Mt. Dougou Extension serait, selon Kore, « la veine de potasse à la plus haute teneur mondiale ». A terme, le Congo pourrait produire 6 % de la potasse mondiale et serait le producteur numéro 1 d’Afrique.
Par ailleurs, des permis de recherche ont été accordés pour des polymétaux à l’entreprise Saison Zhong dans le Niari) et à Zhengwei Technique Congo pour de l’or dans la Lékoumou.
Un projet régional de conservation d’une zone hydroforestière de 130 000 km2 riche en fossiles, comprenant les lacs Télé au Congo et Tumba en République Démocratique du Congo, permettra une compensation carbone pour préserver la tourbière tropicale la plus grande au monde est à l’étude.
Des infrastructures en situation délicate
Des projets de centrales hydroélectriques se développent, réalisés notamment par des entreprises chinoises, ce qui devrait accroître de 1 500 MW la capacité installée (620 MW actuellement). La centrale de Liouesso a été inaugurée en mai 2017 (capacité de 19,9 MW) et d’autres projets suivent leur cours comme les barrages de Chollet et de Sounda (capacité de production estimée à 700 MW ; 2 Mds USD).
Sont en réhabilitation les barrages de Moukoukoulou (74 MW) et du Djoué, ce dernier devant passer de 15 à 24 MW.
Quant au port autonome de Brazzaville, il est « asphyxié » par sa dette fiscale de 6,15 M EUR et sa dette sociale de 2 M EUR alors qu’il aurait besoin de rénovation.
Le groupe Bolloré, qui le gère, a annoncé en février qu’il allait y investir 150 Mds F CFA sur 5 ans. En août, un nouveau port secondaire a été inauguré à Oyo (investissement 73 M EUR), construit et financé par la Chine.
La France et le Congo
En valeur, les exportations françaises vers le Congo ont baissé de 20,6 % entre 2015 et 2016, selon les données officielles françaises, à 520,8 M EUR, les importations chutant davantage encore, de 52,6 % (à 41,8 M EUR). Les achats de pétrole congolais se sont effondrés, de 48,5 à 3,8 M EUR en 2016 : 43 % des importations françaises sont composées de produits industriels, dont 78 % du bois et de ses produits dérivés (papier, carton). Le Cameroun est passé devant le Congo comme premier partenaire commercial de la France en Afrique Centrale.
Parmi les entreprises françaises, notons les établissements Guenin, l’un des principaux importateurs de denrées surgelées au Congo, qui a investi cette année dans des entrepôts de 21 500 m3. Un investissement qui triple la capacité de stockage de l’entreprise qui, depuis 33 ans, joue un rôle majeur dans l’approvisionnement du Congo en denrées alimentaires.
Coté politique
Après les élections présidentielles en mars 2016, les élections législatives et locales se sont tenues en juillet, le parti présidentiel PCT conservant, sans surprise, la majorité à l’assemblée nationale. Le Premier ministre Clément Mouamba a été renouvelé dans ses fonctions et un nouveau gouvernement nommé le 22 août. Les élections sénatoriales ont eu lieu le 31 août.
Source : Rapport CIAN / Le Moci, édition 2018